Vous n’êtes pas ce que les autres perçoivent de vous.
“L’enfer, c’est les autres.”
Cette phrase, tout le monde l’a entendue.
Mais nous sommes peu à en saisir la portée réelle.
Sartre ne disait pas que les autres sont une souffrance — il disait que le regard des autres peut devenir une prison si nous n’en reprenons pas la narration.
I. Le regard qui fige : quand on devient personnage au lieu d’être sujet
Dans Huis clos, Sartre met en scène trois personnages enfermés dans une pièce — pour l’éternité. Pas de flammes. Pas de démons.
Juste des regards croisés.
Des jugements silencieux.
Et l’impossibilité d’y échapper.
💬 Le véritable enfer, ce n’est pas l’autre.
C’est le rôle que l’on finit par jouer sous le regard de l’autre.
Sartre parle de cette bascule :
“Je suis ce que l’autre voit de moi.”
Je deviens objet regardé au lieu de sujet libre.
Je me fige dans une fonction.
Je me réécris à travers l’angle mort de la perception de l’autre.
🎭 Dans la vie de tous les jours, ça peut donner ça :
👉 “C’est la rigolote du groupe, elle ne prend jamais rien au sérieux.”
👉 “Lui, c’est le mec fiable, mais faut pas compter sur lui pour improviser.”
👉 “Elle, c’est la maman poule, toujours à s’occuper des autres.”
👉 “Ce mec ? Il réussit tout ce qu’il touche — insupportable.”
👉 “Elle, c’est la meuf intense. Tu sais, celle qui ressent tout trop fort.”
👉 “Ah, lui ? Il est hyper brillant… mais hyper chelou aussi.”
👉 “Elle, c’est l’angoissée de service. Tu lui dis bonjour, elle panique.”
📌 Vous avez compris l’idée : ce sont des scripts sociaux.
Des raccourcis qu’on plaque sur les autres — et sur soi.
Parfois drôles, parfois violents.
Et le pire, c’est quand on finit par les croire et les endosser sans toujours les interroger.
II. La mauvaise foi : ce récit qu’on se raconte à soi-même pour “correspondre”
Sartre appelle ça la mauvaise foi.
Pas un mensonge volontaire. Mais une manière de se rassurer par un rôle.
🎯 Exemple classique : le garçon de café qui est garçon de café.
Il ne joue pas ce rôle : il s’y réduit.
Il incarne parfaitement ce que l’on attend de lui.
Et ce confort apparent devient sa prison narrative.
Ce que vous croyez être naturel chez vous est peut-être un script absorbé.
Ce que vous présentez comme « votre personnalité », peut-être une adaptation à un regard.
🎬 Échos dans la fiction : quand la mauvaise foi devient un rôle à part entière
Certaines œuvres ne contentent pas de parler de faux-semblants : elles les incarnent jusqu’à les disséquer. La mauvaise foi selon Sartre, c’est le moment où l’on se ment à soi-même en jouant un rôle, tout en feignant de ne pas voir qu’on le joue. Et ça, le cinéma adore en faire un terrain de jeu.
🧨 Fleabag (Phoebe Waller-Bridge, 2016–2019)
👉 Une jeune femme londonienne traverse le deuil, la culpabilité et les désillusions affectives, tout en brisant le quatrième mur pour s’adresser directement au spectateur.
🧠 Fleabag incarne à merveille le dédoublement sartrien. En s’adressant à la caméra, elle semble tout contrôler. Elle commente, ironise et détourne l’attention. Mais derrière cette mise en scène permanente, il y a un gouffre de douleur qu’elle ne veut pas voir.
👉 Elle choisit de « jouer la lucidité », alors qu’elle est dans le déni de sa propre souffrance.
💬 On tient là l’une des formes les plus pernicieuses de la mauvaise foi : prétendre être lucide, pour mieux éviter d’agir.
🧨 Donnie Brasco (Mike Newell, 1997)
👉 Un agent du FBI infiltre la mafia new-yorkaise et devient peu à peu l’un des leurs, au point de ne plus savoir où s’arrête le rôle et où commence sa vraie vie.
🧠 Le personnage de Donnie incarne la fusion identitaire dans le mensonge. Il commence par jouer un rôle – Joe Pistone est un flic, Donnie Brasco est une façade. Mais plus le film avance, plus la façade prend le dessus.
👉 À force de faire semblant, il devient ce qu’il feignait d’être.
💬 La mauvaise foi ici, c’est se raconter qu’on peut mentir « sans conséquences », qu’il y a une frontière claire entre « le rôle » et « le réel ».
🧨 Severance (Dan Erickson, 2022–)
👉 Des employés subissent une procédure qui sépare leur conscience professionnelle de leur conscience personnelle. Ils deviennent littéralement deux personnes.
🧠 Severance pousse la mauvaise foi à l’extrême en la matérialisant. Ce que Sartre nomme « se réfugier dans un rôle », la série en fait une scission psychique. Le « vous du travail » n’a aucun souvenir du « vous de la maison »… et vice-versa.
👉 C’est une métaphore radicale de la dissociation qu’on accepte dans nos vies modernes.
💬 Et si nous étions nous aussi en train de cloisonner nos existences par confort ? À force de compartimenter, que reste-t-il de notre unité intérieure ?
🧭 Pour aller plus loin
🎥 Pour prolonger cette réflexion, je vous recommande cette vidéo proposée par Le Précepteur, chaîne de vulgarisation philosophique tout aussi brillante qu’inspirante.
📌 Pour synthétiser les concepts abordés, je vous propose cette mindmap visuelle conçue à partir de cette vidéo qui vous permettra de :
- clarifier les grands concepts de Sartre sur le regard, la subjectivité et la mauvaise foi ;
- mieux comprendre leurs implications concrètes dans la vie quotidienne ;
- reprendre le contrôle sur votre narration intérieure en identifiant les scripts sociaux invisibles ;
- lier ces notions philosophiques à votre propre transformation personnelle ou professionnelle.
Et si vous avez envie d’aller encore plus loin dans la compréhension de vos récits intérieurs, découvrez aussi cet article complémentaire :
🔗 « Mindmapping et construction des possibles : cartographier sa vision pour l’incarner
III. Le regard des autres comme verrou narratif
👉 Quand on s’enferme dans une image, on ne vit plus. On répète.
Un regard professionnel devient une étiquette.
Un regard amoureux devient une injonction.
Un regard parental devient une prophétie auto-réalisatrice.
Et l’on confond la reconnaissance avec la conformité.
📢 Ce n’est pas le regard qui enferme.
C’est le récit qu’on construit à partir de ce regard.
IV. Reprogrammer sa narration : reprendre la plume
Alors, que faire ?
Fuir les regards ? Vivre dans une grotte ? S’extraire de toute attente sociale ?
Mais non, voyons.
Le regard des autres existe et existera toujours.
Mais on peut le reprogrammer, le traverser et le rediriger.
Ce n’est pas en refusant d’être vu·e qu’on devient libre.
C’est en décidant comment on veut être lu·e.
Et c’est là que le storytelling entre en jeu.
Pas celui qu’on joue.
Celui qu’on choisit.
🎯 Ce que propose The YOU Code :
- 🧩 Revenir à votre noyau narratif : ce que vous portez vraiment.
- 🔥 Identifier les récits que vous rejouez par automatisme.
- 🧠 Reprogrammer une narration alignée, libre et incarnée.
- 🎤 Ne plus être simplement « vu·e », mais entendu·e, reconnu·e, compris·e.
V. L’alignement n’est pas une posture. C’est un récit actif.
Ce que vous vivez comme un « syndrome de l’imposteur », une « dissonance », une « hyperadaptation »… n’est peut-être qu’une narration héritée.
Et la bonne nouvelle, c’est que ça se reprogramme.
📌 Le regard des autres peut être un miroir.
📌 Il peut aussi devenir un projecteur — si vous reprenez le pouvoir sur son script.
🎬 Conclusion – Ce n’est pas le regard qui fige. C’est l’histoire qu’on y inscrit.
« L’enfer, c’est les autres. »
Mais la liberté, c’est votre capacité à décider quel personnage vous incarnez… ou pas.
Et si au lieu de rejeter le regard, vous en faisiez un outil de transformation ?
Et si vous réécriviez l’histoire, en commençant par celle que vous croyez que l’on vous raconte ?
🎯 Et si vous alliez plus loin ?
Créez votre propre carte du regard.
- Qui vous regarde ?
- Quels rôles endossez-vous face à eux ?
- Quelles parts de vous s’effacent pour correspondre à ce que l’autre projette ?
💡 L’exercice est simple… mais vertigineux, je vous l’accorde.
Et si ce travail de mise en lumière devenait une première étape pour reprogrammer votre narration personnelle ?
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